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Macky Sall – « Changer nos habitudes alimentaires : consommer ce que nous produisons et produire ce que nous consommons »
Macky Sall - "Changer nos habitudes alimentaires : consommer ce que nous produisons et produire ce que nous consommons"
Une réunion présidentielle de lancement des concertations sur la lutte contre la vie chère s’est tenu la Présidence de la République. La rencontre a réuni, autour du Président de la République, le Premier Ministre, le Ministre du Commerce, de la Consommation et des PME ainsi que des spécialistes de ce ministère, les associations de consommateurs, le patronat, les associations de commerçants, les industriels, les acteurs portuaires, les acteurs des secteurs de la banque et des assurances. Le président Macky Sall a demandé à réfléchir à la transformation de nos systèmes alimentaires. Et « changer nos habitudes alimentaires : consommer ce que nous produisons et produire ce que nous consommons »
Dans un contexte international marqué par une flambée des prix du pétrole et des denrées de première nécessité due à des facteurs exogènes, il m’est apparu nécessaire d’entamer un tournant décisif dans les modalités de lutte contre la vie chère et notamment le renforcement du pouvoir d’achat des ménages.
En effet, depuis près de trois ans, des efforts importants sont déployés pour faire face à l’inflation liée à la pandémie de COVID -19 et aux bouleversements des échanges mondiaux liés au conflit russo-ukrainien.
Un Plan d’Actions Prioritaires Ajusté et Accéléré (PAP2A), dont l’une des composantes majeures est la souveraineté alimentaire et le développement industriel porté par un secteur privé national fort, a ainsi été mis en œuvre.
Ce plan d’actions nous permet de maintenir une trajectoire de croissance conforme à notre ambition de faire du Sénégal un pays émergent à l’horizon 2035.
Il nous permet aussi de minorer les effets de la crise sur nos concitoyens et particulièrement les plus vulnérables. Ceux là qui dans les zones urbaines et les campagnes sont exposés aux difficultés liées à la vie chère.
Conscient de la nécessité d’aller toujours plus en avant dans la prise en charge des préoccupations des Sénégalais en matière de consommation, j’ai fait adopter, en avril 2021, la loi 2021-25 relative aux prix et à la protection du Consommateur.
Car le marqueur de mon action, depuis 2012, se résume à une attention constante envers les couches vulnérables pour résorber les inégalités.
Je me suis attelé à redresser les finances publiques, à restructurer l’économie, et à engager des investissements productifs.
Les mesures prises dans ce sens m’ont permis de corriger les problématiques liées à l’équité territoriale et à l’inclusion sociale.
J’ai voulu que les services sociaux de base soient accessibles dans nos villes et nos villages les plus reculés et j’ai tenu à ce que nos concitoyens aient les moyens de mieux participer à la vie en société.
Le quinquennat que j’ai entamé en 2019 porte le sceau du mieux vivre. Mieux vivre à travers notamment l’accroissement de la capacité financière de nos compatriotes et leur accès aux services publics.
Œuvrer pour le mieux vivre, dans la difficile conjoncture internationale actuelle, c’est aussi faire en sorte que les Sénégalais n’en subissent pas durablement les effets en augmentant leur capacité de résilience face à la cherté de la vie.
Car la situation du marché intérieur des produits de grande consommation est marquée par des tensions imputables pour l’essentiel au contexte international.
En effet, du fait du conflit russo-ukrainien, ces produits restent tous soumis aux incertitudes des marchés mondiaux (volatilité des cours, fluctuation du dollar, réduction des disponibilités exportables…) ayant un impact négatif sur les prix à la consommation et pouvant être des facteurs en faveur de la vie chère.
Pour prévenir les crises et faire face à cette situation inflationniste récurrente sur les marchés internationaux, l’Etat du Sénégal a ainsi procédé à la révision et à l’adaptation des textes régissant le commerce.
Ces réformes ont le mérite d’intégrer, entre autres préoccupations, des questions nouvelles liées à l’évolution des pratiques commerciales, de renforcer le pouvoir des associations de consommateurs et d’élargir la liste des produits soumis à un régime d’encadrement.
L’ajout, lors du dernier remaniement ministériel, de l’enjeu « Consommation » dans l’intitulé du ministère du Commerce et des Petites et Moyennes Entreprises s’inscrit dans une logique de prise en charge de ces questions nouvelles.
Aujourd’hui beaucoup de produits de consommation courante notamment le riz, l’huile, le sucre, la farine de blé et le ciment sont dans la liste des produits soumis au régime de l’homologation ou à celui de la fixation d’office.
L’adoption de ce régime a permis, dans les limites de la réglementation, de fixer les prix de ces produits et de les surveiller à tous les stades de commerce en tenant compte d’une part des intérêts des consommateurs et d’autre part de ceux des industriels et importateurs.
Toutefois, face à une crise persistante, ces mesures n’ont pas suffi à endiguer la dynamique inflationniste.
Ainsi, le Gouvernement du Sénégal, en dehors de l’administration des prix, a eu recours à des mesures d’ordre fiscal et budgétaire pour faire face aux hausses substantielles des prix de produits de base importés.
A titre d’exemple, la seule mesure de suspension des droits et taxes appliqués au riz brisé, au blé, au sucre cristallisé, pour soutenir les ménages, est évaluée à 30 milliards de FCFA à la date du 5 septembre 2020, pour une enveloppe estimée à 47 milliards. A cela devraient s’ajouter les subventions accordées aux meuniers et aux importateurs d’huile, évaluées à 50 milliards de FCFA.
Aujourd’hui, même si un léger fléchissement est observé sur les cours de ces produits, ce repli est plus ou moins annihilé par le cours du dollar et le coût élevé du fret.
A cela s’ajouterait des surcoûts générés par une situation de congestion du port de Dakar.
Ces perspectives peu reluisantes appellent la nécessité de trouver, en plus des mesures conjoncturelles que je viens d’énoncer, des orientations sur le long terme, indépendantes des fluctuations du marché international.
Depuis la grande crise de 2008, beaucoup de pays dont le Sénégal ont pris conscience des risques économiques et sociaux liés à la volatilité des prix sur le marché international et se sont orientés vers des stratégies visant à promouvoir une économie d’offre par la relance de la production intérieure.
Au titre de ces réponses stratégiques à la hausse des prix des denrées de première nécessité, j’ai tenu à ce que le Gouvernement mette en œuvre, depuis 2012, des projets orientés vers l’autosuffisance pour les produits et filières d’intérêt stratégique.
Pour marquer ma volonté de réaliser ces objectifs d’autosuffisance et de relance de la production agricole, au-delà des mesures concrètes déjà mises en œuvre, j’ai pris la décision de joindre la souveraineté alimentaire à la dénomination et aux missions du Ministère en charge de l’Agriculture.
A cet égard, il s’agira, tout d’abord de stabiliser mais aussi, selon les possibilités qui s’offriront, de réduire les prix des denrées de première nécessité.
Dans cette lancée, le concours des acteurs, que vous êtes, sera déterminant. En effet, il est nécessaire, parallèlement aux sacrifices consentis par l’Etat, que certains comportements liés à des inflations artificielles provoquées par des acteurs malveillants, soient tout particulièrement bannis. L’effort pour soulager les populations doit être partagé par tous.
En outre, il est indispensable de mettre à la disposition de nos concitoyens une information juste et transparente sur les prix par un système d’informations adapté.
Enfin, il nous faudra réfléchir à la transformation de nos systèmes alimentaires.
La régulation dans l’importation des produits agricoles nous a valu des satisfactions : de 04 mois de consommation, la production nationale de beaucoup de produits tels que l’oignon et la pomme de terre est passée à 10 mois.
Il est essentiel de trouver des solutions similaires pour d’autres spéculations en vue non seulement d’aider à équilibrer la balance commerciale mais aussi de rendre nos producteurs locaux beaucoup plus épanouis.
Pour prendre l’exemple du riz, des efforts visant à encourager les importateurs nationaux à acheter la production locale, notamment à travers la plateforme de commercialisation mise en place par le Ministère en charge du Commerce et de la Consommation, doivent être pérennisés et renforcés.
C’est pourquoi, j’ai donné instruction pour qu’une subvention de 32 FCFA/KG soit mise en place afin de combler le gap qui décourageait les rizeries locales dans l’étape de la transformation.
Enfin, nous devons nous investir à beaucoup plus changer nos habitudes alimentaires : consommer ce que nous produisons et produire ce que nous consommons afin de dépendre de moins en moins des marchés extérieurs.
Dans cette perspective, au-delà même de la responsabilité de chaque sénégalais, le secteur privé a un rôle à jouer dans l’objectif de transformation des systèmes agricoles et de d’augmentation de l’efficacité des techniques d’élevage.
Au regard de ces enjeux, relativement aux produits évoqués et aux autres déjà identifiés, l’urgence est donc d’œuvrer à la maîtrise du marché intérieur, à travers des mesures immédiates et des solutions structurelles qui seront soumises aux professionnels et consommateurs que vous représentez respectivement.
Il me parait important que l’on continue à insister sur les questions suivantes :
Devons-nous laisser la tendance à la dépendance extérieure pour des denrées de première nécessité se pérenniser alors que la possibilité de l’inverser est à notre portée ?
Devons-nous continuer dans cette voie de l’importation alors que nous avons les ressources et les moyens pour développer l’expertise locale et faire du « consommer local » une réalité?
La séance qui nous réunit aujourd’hui a pour objectif de lancer de larges concertations sectorielles afin d’apporter des réponses structurelles et de faire face aux difficultés qui nous interpellent.
La résolution de ces difficultés requiert la mobilisation de tous les acteurs.
Je terminerai par un appel patriotique à l’engagement pour faire briller, comme le dit notre hymne national, un soleil sur nos espoirs ; espoirs de continuer à bâtir un pays fort et résistant à tous les vents contraires.