Pèpressou, village natal de l’ex-président ivoirien Henri Konan Bédié où il a été inhumé samedi, n’avait jamais connu une telle effervescence : des délégations venues de tout le pays y ont afflué pour lui rendre un dernier hommage, dix mois après sa mort à 89 ans.
De quelques centaines en temps normal, la population de Pèpressou est passée à plusieurs milliers depuis lundi, des délégués représentant toutes les ethnies ivoiriennes y arrivant pour rendre hommage à celui qu’on appelait communément de ses initiales HKB et qui a dirigé la Côte d’Ivoire pendant six ans, de 1993 à 1999.
Le point culminant de l’affluence a été atteint lors des dernières veillées religieuse et traditionnelle vendredi, suivies samedi d’une nouvelle cérémonie, d’une messe de requiem et de l’inhumation de l’ancien président dans l’intimité familiale.
« Malgré son âge et son agenda chargé, il nous rendait visite », affirme Komenan Attou, agriculteur à Pèpressou qui ne tarit pas d’éloges envers cet « homme de paix qui a soutenu la population ».
Quand elle évoque HKB, Nina Aya Ipou, jeune coiffeuse du village, est au bord des larmes : « Il a été notre papa, il a fait beaucoup pour nous, les mots me manquent ». « Il a construit des maisons pour nous, il a donné du travail aux jeunes ; moi-même, il m’a aidée dans mon salon de coiffure », dit-elle.
Le village est situé à 8 kilomètres de Daoukro (centre), fief de HKB en pays baoulé, l’ethnie à laquelle il appartenait.
« Homme de paix, repose en paix », lit-on à l’entrée de Pèpressou sur un grand portrait de l’ex-président.
Un peu plus loin, près de l’église sobre et moderne construite par l’architecte ivoiro-libanais Pierre Fakhoury et de barnums installés pour accueillir les invités, des dizaines de photos le montrent avec diverses personnalités, dont l’icône sud-africaine Nelson Mandela, l’ancien président français Jacques Chirac, l’ex-chancelière allemande Angela Merkel.
Pèpressou, village bien entretenu, se compose d’un grand rond-point, de lotissements de dizaines de maisons en dur construites du temps de la présidence d’HKB, de petites échoppes.
A la sortie du village, au milieu de la forêt tropicale, une immense bâtisse en ruine surmontée en partie d’un dôme.
Le bâtiment, envahi par les mauvaises herbes et les arbres, aurait dû être la splendide demeure du chef de l’Etat à Pèpressou, mais sa construction débutée en 1996, s’est interrompue après le coup d’Etat qui l’a renversé en 1999.
– Inhumé 10 mois après sa mort –
HKB avait succédé au « père de la nation ivoirienne », Félix Houphouët Boigny, à sa mort en 1993. Il est lui-même décédé le 1er août 2023 alors qu’il était toujours président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), plus ancien parti du pays qu’il a longtemps dirigé avant de passer dans l’opposition.
L’organisation d’obsèques chez les non-musulmans de Côte d’Ivoire et d’autres pays africains prend souvent du temps, mais pour HKB ce fut particulièrement long.
Il a fallu que sa famille biologique s’organise et se concerte pour se mettre d’accord sur les modalités et la date des obsèques, tout comme les chefs de son ethnie Baoulé et de celles qui lui sont liées, dont les Ashanti du Ghana.
Son statut d’ancien président et de dirigeant politique a encore rallongé le processus, puisqu’il a fallu aussi préparer des cérémonies au PDCI, ainsi qu’à la présidence à Abidjan où un hommage national lui a été rendu le 24 mai en présence du chef de l’Etat Alassane Ouattara, des grands leaders politiques ivoiriens et de dirigeants étrangers.
Ces différents hommages ont duré deux semaines, les derniers dans son fief de Daoukro et son village de Pèpressou.
Né le 5 mai 1934, au sein d’une famille de planteurs de cacao, HKB, tour à tour ambassadeur, ministre, président de l’Assemblée nationale, se voulait l’héritier de Félix Houphouët-Boigny.
Un temps allié avec le président Alassane Ouattara, élu président pour la première fois en 2010, M. Bédié était retourné dans l’opposition en 2018 et avait boycotté le scrutin de 2020, jugeant illégal le nouveau mandat de M. Ouattara.
AFP