Profil – Ousmane Sonko : Jeune loup aux dents longues
Profil - Ousmane Sonko : Jeune loup aux dents longues
Maire de Ziguinchor depuis le 23 janvier dernier, Ousmane Sonko a eu une carrière politique fulgurante qui se résume en 3 points : les scandales, le discours et l’intolérance du pouvoir.
Député élu au »plus fort reste » en 2017, candidat à la présidentielle de 2019 avec 16%, Ousmane Sonko est maintenant maire de la commune de Ziguinchor. Sa montée en puissance se confirme d’une élection à l’autre, au point de faire de lui le principal opposant au régime de Macky Sall. Pourtant la carrière politique du leader de Pastef est assez jeune comparée aux autres ténors de la classe politique sénégalaise.
Il y a moins de 10 ans, Sonko avait du mal à avoir accès aux médias, alors que Macky, Idy, Khalifa et même Barthémy Dias pouvaient se payer le luxe de choisir à quel support s’adresser. Inconnu avant 2014, l’enfant de Ziguinchor devient un leader de premier plan. Sa réussite se résume en 3 points. Une dénonciation de la gouvernance de Macky Sall à travers des révélations de scandales, un discours nouveau et assez courageux et une attitude du pouvoir en place lui attire de la sympathie auprès de l’opinion.
Ousmane Sonko, c’est avant tout un lanceur d’alerte. Ancien de l’Ena, inspecteur des impôts, il est au cœur des finances publiques. Il s’emploie dès lors à livrer à l’opinion ce que le pouvoir aurait bien voulu garder comme secret. Chaque semaine, Sonko sort une nouvelle affaire. Son combat consiste à dénoncer le système, cette gouvernance basée sur la prédation des ressources.
La haine de la chose politique
Une attitude qui lui attire la sympathie d’une partie du public qui voit en lui un Snowden du Sénégal. Il est écouté et adulé. Mais cette posture lui attire aussi les foudres du régime de Macky Sall. Suspendu dans un premier temps par le ministère des Finances, Ousmane Sonko est radié de la fonction publique par décret présidentiel.
Lui qui a demandé à son père socialiste de quitter la politique est maintenant radié pour ses ambitions…politiques. Cette matière qu’il haïssait tant dans sa tendre enfance. “Je détestais tellement la politique que, lorsque le débat virait à la politique, je me levais et je m’en allais”, confiait-il à nos confrères du journal L’As.
Né à Thiès en 1974, cet enfant du Sud est issu d’un mariage métissé. Sa mère, originaire de Khombole et son père, fils de la Casamance, sont tous les deux des fonctionnaires. Entre Sonko adulte et le môme qu’il fût, il y a des traits qui sont restés les mêmes : le tempérament notamment. L’enfant terrible a fait ses humanités à Ziguinchor. Période pendant laquelle il était difficile à contrôler, à la fois à l’école et à la maison. Depuis lors, Ousmane est presque resté le même. Sa mère a beau s’opposer à son entrée en politique, elle n’y peut rien.
Une cible privilégiée
Son fils introduit même un nouveau discours dans la classe politique sénégalaise. Jusqu’ici, il n’a jamais été question de dénoncer le rôle de la France en Afrique chez les leaders, encore moins prêcher la fin du F Cfa. Nous allons sortir la France du F Cfa, à défaut, le Sénégal va abandonner cette monnaie, promettait le candidat Sonko en 2019. C’est de cette même manière que l’opposant s’en prend à des institutions comme la Cédéao ou l’Union africaine. Des questions sur lesquelles la classe politique sénégalaise reste peu loquace pour ne pas dire muette.
Ex-auditeur interne à la direction du contrôle interne de la DGID, Sonko a comme point fort d’avoir axé son discours sur ce qu’il connaît le mieux, la fiscalité en particulier et la politique économique de façon générale. Ainsi, pour mieux le contrer, ses adversaires affirment qu’il ne connaît que ça, autrement dit trop petit pour prétendre gérer un Etat. Avec la mairie de Ziguinchor, il a désormais une première occasion pour répondre par des actes.
Pour l’instant, il reste l’opposant le plus en vue contre le régime de Macky Sall. Au point même d’être l’adversaire de certains leaders de l’opposition, selon ses propres mots. « La plupart des opposants ne s’opposent, en réalité, qu’à Ousmane Sonko. Certains sont des opposants de Macky Sall qui les a financés pour qu’ils attaquent l’opposition », affirmait le leader du Pastef lors d’un déplacement à Ziguinchor en septembre 2020.
Mais l’homme finit aussi par se rendre à l’évidence : au Sénégal, on ne gagne pas les élections en étant seul. Celui qui est parti à la présidentielle avec une petite coalition se retrouve dans une grande alliance. De quoi donner du grain à moudre à ses détracteurs. L’antisystème a épousé le système, raille-t-on.
La première et la deuxième vague
Mais pour Sonko peu importe. Il mène son bonhomme de chemin. Sa réussite médiatique le pousse à être omniprésent dans l’actualité. Son besoin de communication est insatiable. Il crée sa chaine Youtube, Jotna Tv où il peut communiquer à sa guise. Une première au Sénégal. Mais cette stratégie a aussi ses limites. Car l’homme qui n’aime visiblement pas les interviews risque de lasser une partie du public et même de son propre public par un trop plein de communication.
En vérité, ce sont surtout les tenants du pouvoir qui voudraient le faire taire. Insulte (Cissé Lo), attaques personnelles, agressions…Sonko reste une cible privilégiée. Certains le qualifient d’indépendantisme, d’autres l’accusent d’être un potentiel terroriste qui cache ses épouses, l’obligeant ainsi à exhiber sa deuxième femme dans un meeting. En fait, du côté du pouvoir, tous les arguments semblent bons pour le perdre.
Le supposé viol contre la masseuse Adji Sarr est donc vu comme une aubaine. A défaut de l’avoir monté de toute pièce, le régime de Macky Sall tente tout au moins de l’exploiter à fond pour l’éliminer définitivement. Mais la rue s’oppose. Sonko se sent alors galvanisé au point de prévenir le pouvoir sur les conséquences d’une deuxième vague. Laquelle a eu lieu non pas dans la rue, mais dans les urnes, au vu des résultats des Locales du 23 janvier dernier.