Le lauréat du prestigieux prix Goncourt 2021 s’est prononcé sur la polémique autour d’une probable troisième candidature du chef de l’Etat sénégalais, Macky Sall. Interrogé par l’hebdomadaire « Jeune Afrique » sur la question de savoir si Macky Sall doit se présenter, Mohamed Mbougar Sarr reste catégorique : «J’espère fortement qu’il ne se représentera pas. Il aurait ainsi les coudées franches pour mener à terme ses différents projets pour le Sénégal. Pour en avoir discuté avec lui lors de son passage à Paris, je sais qu’il en a un certain nombre. Il lui serait tellement plus simple de s’en occuper s’il était libéré de l’équation du troisième mandat ».
Le jeune écrivain sénégalais invite le chef de l’Etat à se remémorer le souvenir de son prédécesseur : « L’exemple du président Abdoulaye Wade devrait suffire à l’en dissuader. En mars 2021, le président a eu un aperçu de ce dont la jeunesse révoltée est capable, même si cette colère-là n’était pas motivée par son éventuel troisième mandat. La population jeune est si désespérée qu’aller mourir dans la rue lors de manifestations lui semble d’une grande banalité ».
Dans cet entretien, Sarr est revenu largement sur l’un de ses textes, publié en 2013 décrivant une foule sénégalaise se rendant à un concert de Youssou N’Dour. Texte dénoncé comme étant raciste.
« J’étais en effet très jeune, mais ce n’est pas une excuse. Je savais déjà ce que j’écrivais. Exhumer de vieux écrits pour confondre leurs auteurs est un procédé classique. Je réalise que la moindre visibilité vous soumet au regard inquisiteur des autres : on fouille dans votre passé à la recherche d’une sorte de vertu ou de pureté absolue. C’est vain. Le texte en question est un exercice de satire et d’autodérision. Je m’inclus dans ceux que je moque. Je suis allé à ce concert que je raille. Lire ce texte au premier degré, c’est manquer son humour et sa distance ironique », a-t-il reconnu.
Toutefois, Mohamed Mbougar Sarr dit comprendre que « la négrophobie qui, historiquement, passait aussi par le recours aux stéréotypes, à la caricature et à la satire, a tellement fait souffrir les Noirs que, aujourd’hui encore, diriger une satire – fusse-t-elle littéraire – contre eux est toujours mal perçu. Davantage encore quand l’auteur de la satire est lui-même un Noir. C’était un texte peut-être maladroit, mais, en tant qu’écrivain, je refuse de me cantonner à certains thèmes et genres littéraires parce que je serais noir ».