
Beaucoup de sénégalais ont connu Succès Masra, leader du parti politique les transformateurs, qu’à l’occasion de sa proximité affichée avec le leader politique Ousmane Sonko.
Me concernant, la proximité ainsi que l’illusion, tout aussi affichée, d’un combat identique m’avaient outrageusement étonné.
Pour raisons :
Ce qui se passe au Tchad est totalement différent de ce qui se passe au Sénégal.
Au Tchad, membre du G5 Sahel, il n’y avait même pas de semblant de démocratie sous l’ère du maréchal Idriss Deby Itno.
Le régime était à la limite totalitaire.
Malgré cette vérité, Succès Masra ne s’était pas privé d’aller discuter avec Deby père.
Déjà, le 17 Mars 2021, Succès Masra avait rencontré Deby père.
Expressis verbis, Succès Masra disait ceci :
« Je pense que le Président Deby, le moment est venu pour lui de se reposer, et je lui en dit en face » il ajoute, en guise de conclusion ceci :
« Même Mandela dialoguait avec ses bourreaux »
Il fut écarté de la présidentielle de 2021 par une loi pouvant être jugée de scélérate et qui avait pour effet de faire passer l’âge de candidater de 38 ans à 40 ans l’éliminant d’office.
Masra avait 38 ans. Et, à cet âge, il était déjà opposant emblématique.
A la mort de Debby, son fils Mahamat Deby a pris le pouvoir.
Il était transparent une sorte de dévolution monarchique du pouvoir.
Masra s’y était opposé. Brillamment d’ailleurs.
Brimé, pour se sauver, il quitta le pays et partit en exil.
C’était cela le décor, adouci théoriquement, au Tchad.
Au Sénégal, le Président de la République actuel a été élu et réélu par les sénégalais.
Au fur et à mesure qu’on avançait, son régime était bousculé par l’opposition qui gagnait du terrain.
L’Assemblée Nationale, au final, n’était même plus contrôlée totalement par le pouvoir en place qui usa, pour faire passer les lois, de majorités de circonstances.
Quid des grandes villes ? Aux législatives de 2022, beaucoup d’entre elles tombèrent dans la besace de l’opposition.
A Dakar, dans la capitale, aucun membre du parti présidentiel n’a pu gagner une commune.
Ce qui est caractéristique d’une démocratie viable.
Cerise sur le gâteau, le Président de la République Macky Sall, le 3 juillet 2023, devant les sénégalais d’ici et d’ailleurs et face au monde entier, décida de renoncer à une candidature à l’élection présidentielle de 2024.
Ce qui vivifia la démocratie sénégalaise magnifiée partout dans le monde.
Au regard de ce tableau comparatif, force est de constater que le Sénégal et le Tchad sont deux pays qui n’ont ni la même conception de la démocratie encore moins de la pratique politique.
Il était bizarre, en conséquence, le combat conjoint mené entre les deux jeunes leaders au style, il faut le dire, diamétralement opposé.
Pourquoi style opposé ?
Parce que Succès Masra est un adepte du dialogue.
Bien que téméraire et quelques fois offensif, il sait apprécier le rapport de force.
Évidemment, Masra a eu une formation académique exceptionnelle, fréquentant les meilleures universités du monde. Il a également eu une formation politique parfaite.
Ainsi, sait-il changer de stratégie politique particulièrement au constat que celle usitée n’a jamais produits d’effets positifs avec lui et avec toute autre personne l’ayant choisie comme option.
Quant à Ousmane Sonko, malheureusement peu aidé par ses affidés, il n’a su apprécier le rapport de force.
Il aurait pu revisiter mieux le parcours de Abdoulaye Wade qui magnifiquement a montré le modèle d’opposition en Afrique (entrisme) et comment conquérir le pouvoir.
C’est comme si Succès Masra était disciple le disciple du Président Abdoulaye Wade.
Il est assurément sûr et certain que le Poste de Premier Ministre de Transition du Tchad accepté lui permettra après d’occuper la fonction présidentielle.
Le poste qu’il occupe découle forcément de longues et profondes discussions entre lui et Deby Fils.
Et, aucun fossé ailleurs en Afrique était plus énorme que celui entre ces deux tchadiens.
En vérité, et PRINCIPIEL, à un moment, il faut user du dialogue en politique surtout quand le rapport de force est défavorable.
NB : Un État africain est un rouleau compresseur. Quand il te broie, il n’est même pas connu ceux qui portent les coups pour son compte. Caricaturalement !
Cela Barthelémy Diaz l’a compris.
Maire de Dakar et député à l’Assemblée Nationale, il avait professé la non-participation du Président de la République Macky Sall aux joutes électorales présidentielles à venir.
Il avait alerté les plus irréductibles ou le plus irréductible des opposants que Macky Sall ne serait pas candidat à l’élection présidentielle et qu’il partirait à l’issue de son mandat.
Il leur avait suggéré d’être attentif et stratège afin d’éviter d’accompagner le Président Macky Sall à la sortie et de tout perdre et de faire le Sénégal s’il croyait, eux-mêmes, à la pertinence de leurs projets politiques.
Au lieu de l’écouter, on le fît passer pour traître.
Au vu des événements, c’est lui qui a eu raison.
La politique n’est pas une affaire de cœur. La pratique politique ne doit être dictée par l’émotion. Elle ne peut être dictée par les sentiments.
La politique est une affaire de raison, de froideur et quelques fois même de cynisme.
D’ailleurs, Napoléon disait que le cœur d’un homme d’Etat doit être dans sa tête.
Cela renseigne du caractère vital de la réflexion et de la stratégie qui devraient et qui doivent nécessairement sous-tendre la démarche de l’homme politique et celui qui veut être homme d’Etat.
La politique n’est ni linéaire encore moins rectiligne.
Elle obéit à d’autres démarches qui ne peuvent agréer, le moment posé, les militantes et militants.
Barthélémy Diaz l’a compris, mieux que quiconque. Il a sauvé la candidature de Khalifa Sall. Il n’a pu sauver que cette candidature.
A-t-il sauvé le Sénégal comme il le prétend ?
Il n’est possible de le dire.
Assurément, Macky Sall est l’homme politique le plus froid du Sénégal.
Il sait prendre le bon acte au bon moment.
La preuve : Ses militantes et militants de même que des responsables politiques de grande envergure de sa majorité ont voulu de lui qu’il tente la troisième candidature.
Il a dit niet.
Il est clair qu’il s’est auto-flagellé. En prenant la décision.
Toutefois, c’est la décision de renonciation qui s’imposait.
C’est elle aussi qui ne met pas terme à son avenir politique.
Son retrait de la course a stabilisé le pays. Cela a montré, par ailleurs, que la mère des batailles était la troisième candidature.
Ce qui renseigne d’une autre erreur d’appréciation de certains leaders politiques.
Boubacar Mohamed SY
Juriste
Écrivain / Essayiste
Chroniqueur juridique et politique
Conseiller Municipal