Chronique numéro 5 du Lundi 6 Novembre 2023. Une jeunesse laissée à son propre sort, impréparée, désemparée… Un avenir pour elle plus qu’incertain !
Chronique numéro 5 du Lundi 6 Novembre 2023. Une jeunesse laissée à son propre sort, impréparée, désemparée… Un avenir pour elle plus qu’incertain !
Le Sénégal, pour se développer réellement, songe à son gaz et à son pétrole.
Pourtant, l’omnipotent nous a donné un trésor beaucoup plus important.
Il s’agit d’une jeunesse vigoureuse et ambitieuse.
Il me plairait, tout aussi, d’ajouter travailleuse.
Certains pourraient en douter. De la thèse que la jeunesse sénégalaise est travailleuse.
Pour raison ; parce que rabâcher incessamment, cette jeunesse est flemmarde.
Ma foi, il est à relativiser ce jugement.
Et, trois raisons le permettent.
D’abord, beaucoup de jeunes sont dans le secteur informel. Ils se battent quotidiennement pour amener la dépense quotidienne. Ils sont très nombreux.
S’il est vrai qu’il existe des flemmards ou des brebis galeuses parmi les jeunes, ils ne doivent pas être mis au-devant de la scène par un discours axé sur eux et sur leurs méfaits.
Il faut voir comment récupérer ces jeunes pour le bien, à tous points de vue, des populations.
Cependant, il devrait être mis au-devant de la scène ceux qui travaillent. Ceux-là qui sont conscients qu’il n’y a pas de sots métiers. Ceux-là qui vendent leur force dignement.
Il faut les ériger en exemple.
Ensuite, les jeunes qui ont réellement la possibilité de travailler, au niveau formel, le font assez sérieusement.
Ceux qui n’en ont pas les opportunités ne rêvent que d’en avoir pour travailler, vivre dignement et aider leurs parents.
Toutefois, réellement, ce sont les opportunités qui manquent.
Enfin, il existe beaucoup de jeunes diplômés du deuxième cycle qui n’ont pas les opportunités pour travailler et qui n’acceptent pas tout aussi, et à juste titre, de faire des travaux quelconques.
Ils ont été formés pour concevoir ou ils sont techniciens d’un domaine précis. Ils ont le droit de refuser un travail pour subalterne.
La situation que nous vivons après constat – situation d’une gravité réelle – nous interpelle.
En effet, la politique dédiée à la jeunesse s’est toujours présentée ambitieuse sur les papiers.
Toutefois, elle n’a jamais été lucrative.
Les résultats sont patents. La jeunesse est désabusée. Elle est désorientée.
Elle n’a plus de repères.
Elle ne croit plus à ses chances de réussir au Sénégal qui est leur pays.
Elle se donne la mort par l’émigration clandestine qui est aujourd’hui une cause non négligeable de mortalité des jeunes.
La ruée vers l’océan ressemble, en vérité, à une sorte de pogrom collectif.
Il faut le dire.
Les politiques dédiées à la jeunesse, à leur formation, à leur épanouissement n’ont jamais véritablement pris.
Conséquence : Il y’a une sorte de rupture totale entre la jeunesse et les hommes politiques.
Au vu de l’histoire et de l’évolution, c’est assez logique ce que nous vivons. Même si très morne.
Contextuellement, le Sénégal vient de publier les chiffres sur le recensement de sa population.
Il était important de faire le recensement puisqu’aucun pays au monde ne s’est développé et aucun pays au monde ne peut se développer sans maîtriser sa démographie.
Il était, par le passé, curieux et risible les tergiversations sur la taille de la population sénégalaise, cela depuis longtemps.
L’information principale confirmée avec le dernier recensement est que la population sénégalaise est extrêmement juvénile.
Chiffres officiels :
18 032 473 habitants au Sénégal.
13 513 370 ont moins de 35 ans. Environ 75 pour cent.
50 pour cent de la population ont moins de 19 ans.
La moitié de la population du Sénégal a donc moins de 19 ans.
C’est elle la véritable ressource sur laquelle il faut plus investir.
Ce n’est ni le pétrole ni le gaz, en vérité. Ils sont des denrées extrêmement précieuses. Tout autant, ils ne pas plus précieux que la ressource humaine, qui plus est jeune.
Une question s’impose au regard de tout.
Pourquoi nous en sommes arrivés à ce stade où il y’a ; et loin des circonvolutions, une rupture totale entre la jeunesse et le pouvoir ?
La vérité est que la jeunesse n’a jamais été véritablement priorisée. Sinon que dans les discours des hommes politiques et pour les besoins des campagnes électorales de surcroit d’une manière dolosive.
C’est ce qui explique qu’elle a toujours été rebelle.
En mai 1968 déjà, la jeunesse sénégalaise à l’instar d’autres jeunesses s’est distinguée pour se faire entendre. Léopold Sédar Senghor, alors Président de la République, avait réprimé. Assez violemment !
Qui ne se rappelle pas, en 1988, du Président de la République Abdou Diouf qualifiant la jeunesse de malsaine.
L’impératif était normalement pour lui d’assainir la jeunesse. Opération qui devait être lancée juste après son constat.
La mission n’a pas été faite ou du moins réussie puisqu’après, vers les années 2000, le Sénégal a eu des dirigeants très farfelus et qui sortaient de la jeunesse de 1988.
Cette jeunesse a eu raison du chef des socialistes.
Le Président Abdoulaye Wade a été porté au pouvoir par cette même jeunesse pleine d’espoir, à l’année 2000.
Au final, elle a été déçue. Elle n’a pas rechigné à l’effort. Elle a contribué au combat pour le renversement du régime libéral.
Opération réussie avec brio.
Quant au Président Macky Sall, pourtant premier président né après les indépendances, il n’a pu régler l’équation liée à la prise en charge sérieuse et efficiente de la jeunesse.
En toute vraisemblance, une partie de la jeunesse ne s’est pas retrouvée dans sa manière de gouverner alors qu’il a mis en place beaucoup de structures dédiées à elle.
Il s’est entouré de vieux briscards politiques qui déjà en 2000 étaient complétement obsolètes.
C’est une des raisons, avec bien évidemment une conjoncture économique peu favorable pour les ménages, qui a donné écho à l’ex-Pastef dont le leader n’est du tout un virtuose politique. Tout au contraire d’ailleurs.
L’auditoire du leader de l’ex Pastef est causé par l’échec de la politique dédiée à la jeunesse.
Pour revenir sur l’entourage du Président de la République Macky Sall,
S’il est vrai que les membres de son entourage comme les membres du gouvernement doivent être des personnes compétentes et d’expérience, ils ne doivent être en déphasage avec la réalité démographique du pays.
Or donc le recyclage des retraités politiques ou des retraités de l’administration, avec le Président Sall, est monnaie courante.
Comparativement à la France, l’Insee (institut national de la statistique et des études économiques) renseigne que la moyenne d’âge en France est de 42,4 ans.
L’autre information importante est que la démographie est maitrisée année après année pour une conception de bonnes et fiables politiques publiques.
Âge moyen et âge médian de la population | Insee
L’âge moyen du gouvernement français est, cependant, de 46, 5 ans.
Il est difficile de savoir l’âge moyen du gouvernement sénégalais, pour défaut d’information.
Gabriel Attal Ministre de la République, chargé de l’Education nationale et de la jeunesse, après avoir été le plus jeune membre d’un gouvernement de la 5eme République par son entrée dans l’équipe du Premier Ministre Jean Castex, est aujourd’hui âgé de 33 ans.
Aurore Bergé Ministre français des solidarités et des familles de Famille de France est âgée de 36 ans.
Plein d’autres ministres français, et pas de moindres, sont nés après 1980.
Des ministres de souveraineté tels Gerald Darmanin à l’intérieur et des outre-mer ; Olivier Véran qui a assuré la riposte sanitaire en tant que Ministre de la santé pendant la covid et qui est aujourd’hui Ministre délégué chargé du Renouveau démocratique et porte-parole du gouvernement français.
Emmanuel Macron est lui-même arrivé à la tête de la France à l’âge de 38 ans.
Il en est de même l’administration française qui s’est rajeunie dans ce pays qui compte infiniment moins de jeunes.
A l’Assemblée Nationale française, la moyenne d’âge des députés est de 50 ans. Un an de moins que la moyenne d’âge des français éligibles (français ayant plus de 18 ans) qui est de 51 ans.
Si même le plus âgé des députés français à 81 ans et se nomme José Gonzalez, le plus jeune député est âgé de 23 ans. Il se nomme Louis Boyard élu dans la circonscription val –de-marne et membre du groupe LFI-NUPES.
Au Sénégal, il n’est disponible aucune information sur la moyenne d’âge des députés de la législature actuelle. Qui n’est pas des meilleures, en toute bonne foi.
Par contre, l’information qui ressort des recherches renseigne que la moyenne d’âge de la 13eme législature en 2017 était de 54 ans.
Seuls 4 députés sur 165 étaient âgés de moins de 35 ans alors que 80 pour cent de la population avaient entre à 0 à 40 ans.
Des chiffres qui attestent qu’il n’est encore envisagé le renouvellement de la classe politique puisque la donne n’a changé.
En outre, la benjamine de l’Assemblée Nationale d’alors, l’honorable Marieme Soda Ndiaye, s’en était offusquée et avait fait un puissant plaidoyer pour une assemblée avec beaucoup plus de jeunes.
J’ajoute qu’il urge une assemblée nationale représentative du poids et de la taille des véritables couches sociales et en parfait accord avec la réalité démographique du pays.
Rentrée parlementaire au Sénégal: peu de jeunes au sein de l’hémicycle (rfi.fr)
Normalement, l’âge comme le cursus social d’un parlementaire est une donnée infiniment importante de la représentation politique.
D’ailleurs, pour beaucoup de scientifiques des sciences sociales et juridiques, la composition du parlement doit être similaire à la composition de la société.
Par exemple, les jeunes ne peuvent être représentés que par des députés issus de cette classe d’âge.
La nécessité est simplement de prendre les meilleurs, les plus talentueux parmi les jeunes.
Est-ce le cas au Sénégal ? en toute vérité, la réponse est négative.
Au Sénégal, les jeunes sont plus nombreux et beaucoup d’entre eux sont très qualifiés.
Ces jeunes qualifiés accèdent difficilement aux postes stratégiques.
Du reste, un jeune responsabilisé sérieusement est une sorte de victoire inattendue pour ses pairs jeunes tellement c’est rare pour être souligné.
La rupture, en conséquence, doit se constater avec la responsabilisation des jeunes.
Tout politique qui pense autrement gouvernera difficilement.
Gagner les élections présidentielles en 2024 est une chose. Gouverner en ce contexte social, qui est loin d’évoluer, en est une autre.
Puisque pour gouverner aisément, il faut que la frange la plus importante de la société soit prise en compte.
Il se joue, en réalité et avec cette problématique, la question de l’équilibre social.
L’efficacité politique, par ailleurs, est apprécié ou mesurée à proportion du ressenti des couches sociales notamment les jeunes sur l’influence qu’elles ont sur l’action publique.
C’est important.
Ensuite, lorsque les populations font confiance aux institutions de l’Etat et aux hommes politiques, ils ont habitude à se conformer spontanément aux lois et règlements édictés dans une plus large mesure.
Il faut, cependant, que les populations et en l’espèce la jeunesse sentent que leurs préoccupations sont inscrites en ordre des priorités. Pas que de façon programmatique. Mais dans l’effectivité. Il faut qu’elles voient l’impact des politiques publiques dédiées à eux.
Au demeurant, il est à s’interroger sur le rôle ou l’apport du ministre de la jeunesse au Sénégal.
Par exemple et toujours comparativement à la France dont on s’inspire imparfaitement ; pour un souci de rationalité, d’efficience et d’efficacité sans doute, le gouvernement français a rattaché l’éducation nationale à la jeunesse.
Elles constituent un seul ministère.
A l’étude des missions confiées au jeune Attal – missions bien listées et explicitées dans le site officiel du gouvernement français – il est compris que le travail vise à éduquer les jeunes, les instruire, leur apprendre la citoyenneté, leur faire aimer leur pays, leur permettre de s’épanouir par des politiques publiques aussi bien ludiques que didactiques.
Par contre, au Sénégal, aussi bien le site du gouvernement que le site du ministère de la jeunesse ne sont exhaustifs. Ils ne donnent pas beaucoup de renseignements.
À l’analyse, les objectifs du ministre de la jeunesse du Sénégal, depuis quelques temps, semblent plus orientées vers le côté ludisme.
On entend plus le ministre à l’occasion et pour les besoins des vacances citoyennes, la quinzaine de la jeunesse et les campagnes électorales.
Or, cela n’est ni utile encore moins prometteur. Et, véritablement, on en a moins pour ne dire pas du tout besoin.
Le besoin est de former ceux qui n’ont eu la chance d’être formés. Instruire ceux qui ne sont instruits. Aider tous les jeunes qui doivent l’être. Donner du travail à ceux qui le méritent. Aider, pour terminer, tous sénégalais pour qu’ils puisent vivre dignement.
En définitive, ce qu’il y’a lieu de retenir est qu’il y’a eu un échec de la politique dédiée à la jeunesse depuis des décennies.
L’impératif est d’impliquer les jeunes dans la conception et la matérialisation des politiques publiques.
Cet impératif doit faire l’objet d’un débat sérieux entre candidats à la magistrature suprême. Débats qui doivent être suivis avec l’attention que cela exige par les jeunes. Il faut que les candidats nous disent comment comptent-ils s’occuper des jeunes ? Ont-ils l’ambition de les associer à la conception et au travail, à des niveaux insoupçonnés de responsabilité, pour la matérialisation des politiques publiques ?
Pour le moment, des candidats déclarés, un seul en a fait un axe prioritaire.
Pour finir, la jeunesse doit d’avantage être considérée.
Des vieux – ceux-là étant présents et ayant occupé des responsabilités du temps des président Senghor et Diouf – de partir à la retraite après avoir obtenu les honneurs de la République.
C’est comme cela qu’on pourrait restaurer la confiance entre la jeunesse et le pouvoir.
Boubacar Mohamed SY
Juriste.
Ecrivain / Essayiste
Chroniqueur Juridique et Politique