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Babacar Justin Ndiaye : «le président doit resserrer les rangs de son parti»

Babacar Justin Ndiaye : «le président doit resserrer les rangs de son parti»

Quels enseignements après les élections locales de dimanche dernier au Sénégal ? L’opposition est victorieuse dans des bastions stratégiques, avec Barthélémy Dias à Dakar, et Ousmane Sonko à Ziguinchor en Casamance. Mais la coalition au pouvoir affirme gagner « dans la majorité des communes » du pays. Est-ce le signe d’une profonde recomposition des rapports de force ? Babacar Justin Ndiaye, éditorialiste et chroniqueur politique, est l’invité de Charlotte Idrac.

RFI : Est-ce que pour vous ce scrutin est une « gifle » pour la majorité ?

Babacar Justin Ndiaye : Disons que c’est un ressac. Le bassin électoral de la majorité présidentielle s’est rétréci de façon drastique. Mais le mot « naufrage, « la gifle », tout ceci me paraît un peu excessif quand même. Le fait de perdre trois grandes villes comme Dakar, Ziguinchor et Kaolack représentent un avertissement très fort à l’endroit de la majorité présidentielle.

Un avertissement notamment pour une éventuelle candidature de Macky Sall à un troisième mandat en 2024 ?

J’évite d’établir un lien dialectique, encore moins mécanique entre ceci et cela. On peut aussi ajouter que Dakar, Ziguinchor et Kaolack ne sont pas tout le Sénégal. Toutefois, les villes sont représentatives de beaucoup de choses. La ville illustre la grogne. La ceinture de pauvreté que représente la banlieue reste une équation. Et quand on va en Casamance, alors là le scénario est encore beaucoup plus cauchemardesque pour le pouvoir, parce que là-bas, c’est un opposant farouche qui est arrivé à la tête de la municipalité de Ziguinchor.

Ousmane Sonko qui a des ambitions, qui voit plus loin…

Il a des ambitions, mais il est aussi à la tête d’une région qui est assez problématique dans l’histoire de notre pays. La Casamance est en convalescence post-conflit. Vous savez aussi que cette région est enclavée malgré les investissements et les infrastructures qui ont été injectés dans ces régions. Donc, il y a un dossier sensible, névralgique que le président devra gérer, en rapport forcément avec le maire. Quand je dis le président, c’est-à-dire l’administration, les pouvoirs publics. Donc, l’équation en Casamance est infiniment plus monumentale qu’ailleurs.

Pour Ousmane Sonko, c’est un tremplin ?

C’est un pari qui a été gagné. C’est un coup de poker couronné par un succès. Ce n’était pas évident. Il a pris des risques. Vous ne pouvez pas avoir une ambition nationale et perdre une élection locale.

Et Khalifa Sall, l’ancien maire de Dakar, a montré qu’il restait influent dans la capitale. Lui aussi, il a affiché ses ambitions, notamment pour 2024…

Khalifa Sall a démontré qu’il est un dinosaure, qu’il ne connaît ni la lassitude ni la rouille en dépit des épreuves qu’il a subies. S’il y a l’émergence de profils comme Barthélémy Dias, c’est parce que, quelque part le landerneau politique a été désarticulé par un certain nombre de pratiques, des pratiques tactiques, des pratiques stratégiques, mais qui ont produit aussi des retours de flammes. Imaginez si Khalifa Sall n’avait pas été écrasé par un marteau judiciaire, mais Barthélémy Dias aurait patienté un petit peu derrière la porte, le temps de gagner en maturité, le temps de gagner en expérience.

Pour la coalition de la majorité Benno Bokk Yakaar (BBY), qui est une large alliance avec désormais le parti Rewmi d’Idrissa Seck, quelles sont pour cette coalition les enseignements, ce qu’il faudra faire pour la suite ?

De prime abord, cette coalition a besoin d’un supplément d’autorité. Il y a eu des listes parallèles. On peut dire que les listes parallèles étaient un dispositif de captation qui devaient éviter la déperdition d’un certain nombre de voix, qui devait également canaliser ces voix vers le bassin électoral de la majorité. Mais, cela n’a pas fonctionné comme tel, comme prévu et comme escompté. Je crois que le président doit resserrer les rangs de son parti et également ceux de sa coalition.

Que dire des scores du Parti démocratique sénégalais (PDS), le parti de l’ancien président Abdoulaye Wade, quel est son avenir au vu de ces résultats ?

Je n’aime pas parler de naufrage, mais le PDS a connu une grande érosion électorale. Ceci s’explique par l’absence de gouvernail, symbolisé par Abdoulaye Wade, symbolisé subsidiairement par Karim Wade qui est aussi absent du territoire, et puis aussi, la plupart des cadres sont allés à la soupe comme on dit, c’est-à-dire on rejoint Macky Sall. À telle enseigne que maintenant, le PDS n’est vraiment que l’ombre de lui-même.

Les élections législatives sont prévues en principe au mois de juin. Du côté de la coalition « Yewwi askan wi » (Libérer le peuple, en langue wolof), une coalition toute récente, elle doit encore transformer l’essai ?

C’est une coalition jeune de par sa date de naissance, mais qui rassemble quand même des hommes politiques assez avisés, à commencer par Khalifa Sall, qui a eu pour berceau le Parti socialiste. Il est quand même un homme bourré d’expériences. Vous avez [Ousmane] Sonko qui est un jeune loup aux dents longues, qui monte, qui monte… Vous avez maintenant d’autres personnes qui n’ont pas été candidates à quelque chose, mais qui ont été quand même dans les rangs de Yewwi askan wi et qui ont été efficaces en termes de conseils, d’idées et de stratégies. C’est-à-dire que la coalition Yewwi askan wi rassemble plusieurs générations. Il y a une transition transgénérationnelle qui est lente, qui est laborieuse, mais qui est en cours de construction.

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