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Mamoudou Ibra Kane : L’histoire jamais racontée d’une icône de la presse

Mamoudou Ibra Kane : L'histoire jamais racontée d'une icône de la presse

A force de les côtoyer, il les a rejoint. Journaliste de formation, Mamoudou Ibra Kane arbore désormais une double casquette depuis son entrée en politique. De son enfance marquée par des maladies à répétition à sa mésaventure à la RTS, en passant par les années glorieuses à GFM, cet homme n’a jamais cessé d’incarner un mot d’ordre : la résilience.

Tout le monde aspire à la présidence. La fonction suprême de l’État sénégalais a suscité un engouement remarquable avec plus de 220 candidatures déclarées pour l’élection présidentielle de février 2024, établissant ainsi un record. Parmi les postulants, Mamoudou Ibra Kane, souvent désigné sous l’acronyme MIK, a marqué les esprits. Le 25 février 2024, ce journaliste renommé a fait son incursion en politique avec son mouvement intitulé “Demain, c’est maintenant”. Un oxymore qui pourrait s’interpréter par une volonté de construire, de réaliser le futur dans le présent. C’est d’ailleurs au sein de ses nouveaux bureaux qu’il nous accueille. Arborant un sourire courtois, vêtu d’un costume-cravate élégant, il trône avec prestance dans son fauteuil, au milieu d’une décoration épurée. « Avec certains compatriotes, nous avons estimé nécessaire de nous engager davantage sur le plan politique, en plaçant la citoyenneté et l’esprit de co-construction au cœur de nos préoccupations », explique l’ancien dirigeant du groupe E-Media. Sur les 220 candidatures initiales, la procédure de dépôt de la caution auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) a constitué un filtre sélectif, puisque seul un quart des candidats a franchi cette étape. Parmi les non-participants à cette formalité se trouve Mamoudou Ibra Kane, dont l’ambition présidentielle, éphémère, s’est éteinte après seulement dix mois. Dans une déclaration datée du 3 novembre 2023, il annonce son retrait anticipé de la course présidentielle, invoquant notamment la « désacralisation de la fonction de chef de l’État » due à l’afflux de candidatures et à leur inexpérience. Cette décision, issue de délibérations internes mouvementées, ne signifie toutefois pas la fin de son engagement politique. « Nous constituons un mouvement émergent. Nous disposons du temps nécessaire pour nous renforcer, nous structurer et nous élargir en vue des prochaines échéances électorales. Notre détermination demeure intacte », affirme-t-il avec détermination. En évoquant l’avenir, Mamoudou Ibra Kane suggère que son mouvement, “Demain, c’est maintenant”, entend jouer un rôle significatif lors de la prochaine présidentielle. Il envisage ainsi de révéler sous peu, voire dans un futur très proche selon ses dires, son alliance future avec un candidat présidentiel. Bien qu’il garde secrète l’identité de ce candidat, il esquisse les contours idéologiques de celui-ci, en adéquation avec les valeurs défendues par son mouvement. « Notre choix sera guidé par une aspiration profonde à la stabilité, à la cohésion et au progrès du Sénégal. Il reflétera notre désir de co-construction, s’alignera avec notre identité et placera la citoyenneté au centre de nos préoccupations », précise-t-il.

La page du journalisme tournée ?

Conscient des défis inhérents à la conciliation entre son engagement politique et son rôle de journaliste, Mamoudou Ibra Kane a choisi de mettre en suspens son poste d’historien du présent au sein d’E-Media, ainsi que sa fonction de directeur général. Cette décision, entérinée par le conseil d’administration du groupe, le maintiendra en disponibilité jusqu’en avril 2024. « Je n’ai jamais abandonné E-Media », affirme-t-il. « Je souhaite respecter les exigences éthiques de notre profession. Lorsqu’on s’engage politiquement jusqu’à envisager une candidature, il est essentiel de se retirer temporairement pour garantir l’intégrité professionnelle et le confort de nos collaborateurs. »

Bien qu’absent de l’écran, sa présence demeure palpable en interne. Avant son retrait, il animait l’émission hebdomadaire « Le jury du dimanche ». Aujourd’hui, cette responsabilité est assurée par Aissatou Ndiath Fall. Interrogé sur un éventuel retour au journalisme, l’ancien candidat à la présidentielle reste évasif. « Le journalisme est une vocation ancrée en moi. Aissata, qui excelle déjà dans « Le jury du dimanche », poursuit admirablement ce travail. Peut-être collaborerons-nous à l’avenir, que ce soit dans cette émission ou une autre », confie-t-il. Concernant une éventuelle réintégration journalistique, sa décision pourrait être influencée par l’issue de la prochaine présidentielle, notamment si son candidat préféré l’emporte. À l’instar de figures telles qu’Abdoul Latif Coulibaly, Yoro Dia ou encore Aminata Angelique Manga, son implication politique pourrait s’avérer plus prolongée qu’anticipée. Interrogé sur une éventuelle nomination, il reste ouvert : « Ma priorité reste Emedia, mon entreprise, ainsi que mon pays. Cependant, en soutenant un candidat lors d’une présidentielle, il est impératif de tout mettre en œuvre pour assurer sa victoire. »

Chouchou de la famille et commentateur de matchs inter-villages

Le suspense entoure la possibilité d’un retour vers son premier amour, une relation qui remonte à 27 ans. Une passion qui a pris racine durant son enfance dans le Nord-Est du Sénégal, à Boki-Diawé. « Né d’un père originaire du Nguénaar (Bokidiawé) et d’une mère originaire du Bosséa (Agnam Civol) »., Mamoudou Ibra Kane, également connu sous le nom de Cissé Kane, prénom que lui a donné sa mère, a été élevé dans la tradition profonde du Fouta. Comme il est courant dans cette région, l’éducation islamique était primordiale, et MIK n’a pas échappé à cette tradition. « J’ai toujours un souvenir vivace de mon maître coranique, mon thierno. J’ai été Talibé « almoubé » (en Pulaar) et ai sollicité des aumônes dans les ruelles de Boki Diawé », se rappelle-t-il. En tant que benjamin de la famille, il se décrit comme « l’enfant chéri », choyé par ses parents et ses aînés. Loin d’avoir la main verte, il s’est adonné à l’agriculture et, pour se divertir, au football. Bien que polyvalent en tant que gardien de but et milieu de terrain, le talent pur n’était pas au rendez-vous. C’est dans ce contexte que sa passion pour le commentaire sportif a pris son envol. Inspiré par son idole Abdoulaye Diaw lors des matchs inter-villages, Mamoudou s’est découvert un talent pour le commentaire, renforçant ainsi sa maîtrise de la langue française. « Cela m’a beaucoup aidé et a éveillé une vocation : celle d’être journaliste. Et je dois dire que je ne le regrette pas », confie-t-il. Outre ses lacunes sur le terrain, sa santé fragile constituait un autre obstacle à une activité physique intense. Affrontant des maladies telles que la rougeole, la variole, le paludisme et des crises, il a dû faire preuve de résilience, avec le soutien indéfectible de sa famille. « Mes parents étaient parfois désespérés, mais forts de leur foi et de leur amour, ils m’ont prodigué les soins nécessaires », reconnaît-il avec gratitude. En envisageant sa carrière future, Mamoudou avait deux voies possibles : devenir journaliste ou magistrat. Son inclination pour le droit était en partie influencée par son homonyme, Cissé Kane, un juriste renommé. D’ailleurs, sa mère, la sœur cadette de Cissé, lui a attribué ce prénom, qu’il a conservé jusqu’à l’âge de sept ans. C’est à bord du véhicule de son « Tourando » que Mamoudou a quitté son Boki-Diawé natal pour s’installer à Dakar. En tant qu’élève, il a vécu l’année blanche de 1988 au lycée Blaise Diagne.

MIK Blacklisté à la RTS : Le crash d’avion de Tambacounda et le commentaire de trop

En 1993, après l’obtention de son baccalauréat, il entreprend des études en droit, malgré une année jugée invalide. Cependant, il réussit à décrocher son DEUG (Bac+2) dans cette discipline. Parallèlement, il se distingue en rejoignant le Cesti, où il se classe major du concours. À sa sortie, il se classe deuxième de la 24e promotion. Pour se forger une expérience, il réalise son premier stage à Walfadjiri. Par la suite, Mamoudou Ibra Kane se dirige vers le domaine de la télévision. À une époque où le paysage audiovisuel était dominé par la RTS, il intègre naturellement cette institution lors d’un stage pédagogique de sa deuxième année. Il y côtoie des figures emblématiques telles que Sada Kane, Khalil Gaye, Ibrahima Souleymane Ndiaye et Mamadou Malal Diop. Son parcours est cependant interrompu par un événement tragique, le crash d’Air Sénégal « Casamance » en février 1997. Mamoudou Ibra Kane se voit confier la rédaction d’un article sur cet incident pour le journal de 20h. Avec une profonde implication, il effectue sa tâche. « J’avais commenté l’accident d’avion de Tambacounda et mes supérieurs ont estimé que j’avais dit des choses inappropriées : « demain à qui le tour ? » Cette remarque a été retenue contre moi. Je dois dire que cela est devenu une petite affaire d’État, puisque cela est remonté jusqu’au sommet, jusqu’à ce que les politiques s’en mêlent ». Suite à cet épisode, son stage à la RTS prend fin. Durant quelques mois, il continue de contribuer à la télévision en rédigeant et réalisant des reportages, mais sans prêter sa voix ou être cité.

Désillusionné par cette expérience, il cherche de nouvelles opportunités. À ce moment-là, feu Sidy Lamine Niass envisage de lancer une station de radio. Séduit par Mame Less Camara, Mamoudou intègre cette nouvelle aventure aux côtés de Yoro Dia, actuel ministre conseiller, et Alassane Samba Diop. Ce recrutement au fort accent jeunesse suscite des interrogations auprès du fondateur : « Sidy Lamine Niass disait à Mame Less qu’il lui avait confié la radio pour recruter des journalistes aguerris, mais il recrutait en réalité de jeunes diplômés du Cesti ». Sa transition vers cette nouvelle entreprise se passe bien, puisqu’il est nommé chef du desk reportage. Il couvre notamment l’élection présidentielle qui voit Me Abdoulaye Wade accéder au pouvoir. À ce sujet, il se remémore : « Je me souviens de l’alternance du 19 mars 2000 ; des personnes étaient venues sous notre fenêtre à Walf pour exprimer leur gratitude, scandant nos noms. Ils pensaient que cette alternance était en partie grâce à nous, même si nous l’acceptons avec humilité ». Malgré cette réussite à la radio, Mamoudou Ibra Kane et son complice Alassane Samba Diop décident de quitter Walf FM pour rejoindre l’hebdomadaire « La Nouvelle ».

La question mal formulée à Me Abdoulaye Wade

Ce projet ne dura que le temps d’une étincelle mais sera riche et intense en expérience. L’un des évènements les plus mémorables de son passage éphémère dans ce média s’est déroulé en mai 2001 au palais de la république. Mamoudou Ibra Kane est invité à poser une question au président fraîchement élu. « C’était une période où les Sénégalais se posaient beaucoup de questions, d’autant plus qu’Abdoulaye Wade affichait une grande volonté. Ma préoccupation était de connaître l’avis du président. Est-ce qu’il parlait plus qu’il n’agissait ou plus qu’il ne travaillait ? J’ai posé la question ; un silence de cathédrale s’est installé dans la salle », se remémore-t-il. Une interrogation maladroite que Me Abdoulaye Wade soulignera en promettant de laisser passer. Chose que les militants de ce dernier ne feront pas : « Des esprits étaient un peu agités ; j’ai reçu de nombreuses menaces et des personnes m’ont appelé pour m’insulter ». Suite à cela, les relations entre le journaliste et l’homme d’Etat se sont améliorées sans pour autant être très proches. Lorsque La Nouvelle ferme ses portes, Mamoudou Ibra Kane et Alassane Samba Diop reviennent à Walf FM. Le premier cité est nommé directeur de la rédaction. Cependant, le retour sera encore plus court que prévu. Les deux amis rejoignent la ville de Dakar dirigée par Pape Diop pour lancer la Radio Municipale de Dakar (RMD). Premiers gros salaires mais le projet tarde à démarrer. Ils prennent une décision forte : «Alassane Samba Diop, Mamadou Alpha Diallo et moi, avons estimé que nous ne pouvions pas continuer à être payés sans rien faire. Nous ne sommes pas de ce moule. Nous nous sommes dit que, étant journalistes, nous devions exercer notre métier, d’autant plus que nous avions bien débuté notre carrière et ne voulions pas compromettre notre professionnalisme ». Ils arrivent à se séparer à l’amiable pour un autre nouveau projet médiatique : La RFM.

GFM, l’une de ses plus belles expériences

Youssou Ndour a toujours manifesté un esprit entrepreneurial affirmé. En juillet 2003, l’artiste-chanteur a choisi d’explorer le domaine de la presse, s’entourant de journalistes talentueux tels que Mamoudou Ibra Kane et Alassane Samba Diop. Fortuitement, Mamoudou Ibra Kane, fervent admirateur d’Abdoulaye Diaw, responsable de Sports FM, lui succède lors de la transition vers la radio généraliste RFM en tant que directeur général. Le rêve d’enfant devient réalité. « Voilà, le destin est quelque chose d’extraordinaire. Il y a une main invisible qui m’a guidé jusqu’à Abdoulaye Diaw. Cette main, c’est celle de Dieu », déclare-t-il en exprimant sa profonde gratitude. Bien que son mentor se concentre principalement sur le sport, Mamoudou s’oriente davantage vers la politique, forgeant sa réputation à travers l’émission dominicale « Le grand jury » et contribuant significativement à la croissance de cette entité. Rapidement, la RFM s’impose comme l’une des radios les plus influentes du Sénégal, se positionnant même en tête en 2006 devant des stations renommées telles que Walf FM et Sud FM. « Pour moi, Futurs Médias demeure l’une de mes plus grandes fiertés professionnelles. Non seulement en tant que journaliste reconnu, mais aussi en tant que manager », affirme-t-il en rappelant la formation en management stratégique à l’IAM qu’il suivit et qui l’a préparé à assumer ses responsabilités. En 2012, il accède au poste de directeur général du Groupe Futurs Médias (GFM). Le groupe médiatique connaît un succès fulgurant, attirant un large public et les annonceurs, et affichant des performances financières positives. Toutefois, animé par son esprit innovateur et son attachement aux initiatives médiatiques émergentes, Mamadou Ibra Kane, accompagné de son fidèle collaborateur Alassane Samba Diop et d’éléments clés de GFM comme DJ Boub’s, fait le choix audacieux de démissionner pour fonder le groupe E-Media.

RTS vs Emedia : Le matchs des droits de retransmissions de la coupe du monde

« Nous avons pensé que le Sénégal avait également besoin de professionnels qui, certes, exercent leur métier, mais qui font également la promotion d’un groupe de presse. Parce qu’aujourd’hui, il y a un boom médiatique. Je ne parle pas seulement des radios, des télévisions et de la presse écrite, mais aussi des sites d’information et des réseaux sociaux », justifie celui qui va occuper la fonction de directeur général.

Le groupe a d’abord lancé le 11 octobre 2018 le site internet emedia.sn, une semaine après, la radio a suivi. La télévision a vu le jour le 4 février 2019 et récemment, le 1er décembre 2021, le quotidien Bes Bi voit le jour.

Fier du chemin parcouru par le groupe jusqu’à présent, Mamoudou Ibra Kane garde les pieds sur terre et invite ses collaborateurs à redoubler d’efforts pour relever des défis encore plus grands. « Nous avons eu une réussite, certes, mais il ne faut pas considérer que c’est gagné. Si nous voulons durer et être viables, il faut travailler dur et veiller à ce que le projet qu’est Imedia soit protégé », pense-t-il. Leur quête de viser plus haut les a amenés à poser leur candidature pour les droits de retransmissions de la coupe du monde 2022 au Qatar pour le Sénégal. Si la structure privée annonce avoir remporté ces droits, ils vont être contredits par la RTS qui annonce à son tour cette acquisition avec l’appui de NWE détenteur des droits de retransmission en Afrique Subsaharienne. Le groupe de presse privé va porter ce combat sur le plan juridique au niveau national comme international en vain. « Nous avons perdu une belle opportunité. Imaginez ITV diffuser les matchs de la Coupe du Monde en termes de notoriété, c’est très important. Deuxièmement, c’est également au plan financier avec la publicité. C’est un manque à gagner qui n’a pas été réparé. Puisqu’il faut tout positiver, si on prend les choses sous un angle positif, l’opinion a été témoin que IMedia s’est battu », argue Mamoudou Ibra Kane. Au vu de l’affection de Mamoudou Ibra Kane pour les défis, il est certain que le groupe reviendra à la charge dans le futur. Leur quête de viser plus haut les a amenés à poser leur candidature pour les droits de retransmissions de la coupe du monde 2022 au Qatar pour le Sénégal. Si la structure privée annonce avoir remporté ces droits, ils vont être contredits par la RTS qui annonce à son tour cette acquisition avec l’appui de NWE détenteur des droits de retransmission en Afrique Subsaharienne. Le groupe de presse privé va porter ce combat sur le plan juridique au niveau national comme international en vain. « Nous avons perdu une belle opportunité. Imaginez ITV diffuser les matchs de la Coupe du Monde en termes de notoriété, c’est très important. Deuxièmement, c’est également au plan financier avec la publicité. C’est un manque à gagner qui n’a pas été réparé. Puisqu’il faut tout positiver, si on prend les choses sous un angle positif, l’opinion a été témoin que EMedia s’est battu », argue Mamoudou Ibra Kane. Connaissant l’appétence de Mamoudou Ibra Kane pour les défis, il est indubitable que le groupe, porté par cette énergie, envisage de nouvelles initiatives ambitieuses pour l’avenir.

Source : Seneweb

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