Agriculture

À la rencontre des femmes qui sèment l’avenir du Sénégal

À la rencontre des femmes qui sèment l’avenir du Sénégal

Au Sénégal, des femmes réinventent les méthodes de riziculture afin de faire face au changement climatique et d’assurer la sécurité alimentaire. Devenues dirigeantes d’entreprises et militantes, elles se réinventent elles-mêmes aussi.

Article : Alison Buckholtz, Hawa Seydou Diop et Moussoukoro Diop. Vidéos : Birom Seck. Photographies : Sidy Talla.

Aminata Niang, restauratrice sénégalaise, plonge sa longue louche dans une jatte de bouillon et en verse sur une assiette emplie de thiéboudiène, le plat national composé de poisson et de légumes épicés servis sur du riz cuit à la vapeur. Levant les yeux vers ses clients, elle leur fait signe de se mettre à table.

Quand elle était petite, elle préparait déjà ce plat dans la cuisine de sa mère. Mais son thiéboudiène a aujourd’hui quelque chose de différent : elle l’a confectionné avec du riz cultivé près de chez elle, à Saint-Louis, et non comme d’habitude avec du riz importé. « Le riz local, au grain court et commercialisé à l’état de brisures, est de plus en plus apprécié et demandé dans tout le Sénégal », explique-t-elle.

En 2021, l’UNESCO a élevé le thiéboudiène, souvent élaboré avec du riz provenant de la vallée du fleuve Sénégal, au rang d’« art culinaire du Sénégal » et qualifié le plat d’« affirmation de l’identité sénégalaise ».

Ce n’est pas seulement une question de goût : la fierté nationale joue aussi un rôle dans le choix d’Aminata. En effet, le riz local est un ingrédient de base dans la recette de l’autosuffisance du Sénégal.

« Les Sénégalais veulent consommer des denrées cultivées chez nous, au lieu de dépendre d’autres pays pour se nourrir », affirme Korka Diaw, qui exploite 150 hectares de rizière dans la vallée du fleuve Sénégal, à 320 kilomètres au nord de Dakar. Le fait est que le Sénégal importe plus de la moitié de son riz. « Mais c’est important pour beaucoup d’autres raisons également », ajoute-t-elle.

Korka Diaw, qui cultive du riz depuis 1991, est devenue le porte-voix des agricultrices sénégalaises, qui n’ont qu’un accès limité à la terre et aux financements. Cliquez ici pour lire ses « 5 conseils d’une militante par accident ».

Son opinion est largement partagée. Selon la Banque mondiale et la Société financière internationale (IFC), qui soutiennent depuis des décennies les stratégies nationales et régionales visant à renforcer la production agricole, le riz local est une composante essentielle de la sécurité alimentaire au Sénégal, de même que dans le reste de l’Afrique subsaharienne. Le changement climatique, auquel s’ajoutent les effets persistants de la pandémie et les répercussions de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, engendre une vulnérabilité aiguë à la volatilité des prix et aux pénuries d’envergure mondiale, comme il ressort d’une étude de la Banque mondiale.

Mais augmenter la production locale pour répondre à la demande n’est pas chose facile. En raison de la hausse des températures et de l’irrégularité des précipitations, imputables au changement climatique, il faut désormais utiliser des semences de variétés résistantes à la chaleur, des calendriers de semailles flexibles, des pratiques agricoles adaptables et même de nouvelles machines, témoigne Korka Diaw.

De nombreux autres pays d’Afrique rencontrent les mêmes difficultés que le Sénégal. Cependant, face à la crise rizicole, le pays se distingue par le rôle des femmes et par leur implication dans un programme national qui vise à atteindre l’autosuffisance en riz d’ici à 2030. « Le riz est un secteur prioritaire pour le Sénégal », souligne Waly Diouf, coordonnateur du programme. « Les femmes jouent un rôle clé dans le secteur rizicole, tant au niveau de la production que de la transformation. […] Nous voulons les aider à être aussi efficaces que possible. »

Afin de répondre aux besoins du pays, il faut, considère Korka Diaw, que les rizicultrices d’aujourd’hui aient accès à des financements, à des formations et à des ressources professionnelles. « Nos ancêtres et nos parents cultivaient la terre pour subsister », dit-elle. « Aujourd’hui, nous tirons des revenus de l’agriculture et nous faisons partie intégrante de l’industrie agroalimentaire. Nous nourrissons la population, fournissons de l’éducation et de l’emploi, construisons des sites de transformation et formons la prochaine génération d’agricultrices, tout cela dans un contexte d’incertitude climatique. C’est une énorme responsabilité, et tout le monde a un rôle à jouer. »

Un appétit de financement

Une grande partie du riz local provient de la vallée du fleuve Sénégal, où deux cousines, Ndobou Sene Fall et Aby Diop, en produisent (à côté d’autres cultures) sur 10 hectares de terre rouge orangée, dans le village de Mboundoum-Barrage. Comme dans les autres régions rizicoles du Sénégal, on cultive ici le riz par rangées de terre soigneusement irriguées et non dans des rizières submergées d’eau.

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