AmériquePolitique

La révolution de la finance internationale sera locale et numérique

La révolution de la finance internationale sera locale et numérique

L’élite mondiale de la finance de développement, du climat, de la biodiversité et des infrastructures se réunit à Paris autour de nombreux chefs d’État et de gouvernement en réponse à l’interpellation de Mia Mottley, Première ministre de la Barbade.
Si les discussions qui auront lieu lors du sommet pour un nouveau pacte financier mondial les 22 et 23 juin 2023 promettent d’être de très haut niveau, leur portée risque d’échapper au public.
Pourtant, ce sommet n’ambitionne rien moins qu’une révolution qui mérite qu’on la soutienne.  Il convient auparavant d’en repérer les points saillants qui sont les suivants :
 
– Faire évoluer le modèle des banques multilatérales de développement pour répondre aux défis du XXIe siècle, mettant un terme à un système qui a fini par ne plus servir les populations vulnérables. 
– Engager une réforme du traitement de la dette des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. Les pays créanciers doivent reconsidérer leurs créances lorsque celles-ci ont financé des projets peu favorables au développement local et non durables.
– Mettre en œuvre une nouvelle méthode, les partenariats pour une croissance verte, permettant de coordonner les différents acteurs publics, philanthropiques et privés, pour répondre aux besoins exprimés par les pays. Des expériences récentes ont montré que des approches partenariales sont d’autant plus efficaces qu’elles prennent réellement en compte les pays bénéficiaires qui doivent pouvoir exprimer leurs besoins et coordonner les financements disponibles en fonction de ceux-ci.
– Développer des instruments innovants d’assurance devant être financés par les industries qui sont à l’origine des pertes et dommages subis, notamment l’industrie pétrolière.
– Garantir des informations et des données fiables et comparables. À l’heure de la bataille de la comptabilité écologique entre l’Europe et une bonne partie du monde, une position ambitieuse du sommet sur les données sera un indice de la réelle volonté de mettre la durabilité au cœur des financements internationaux.
– Créer un environnement propice au secteur privé, distinguant toutefois infrastructures durables et PME alors que les deux sujets sont fondamentalement liés. L’adoption de garanties qui pourraient ne pas être comptabilisées comme des dettes par le FMI accelérerait le déploiement des infrastructures durables avec un impact fiscal et financier minimal.
 
Il faut saluer l’ambition du sommet qui, avec courage, prend acte de l’échec des politiques menées depuis les années 1980, tant en termes de développement que de durabilité.
 
Le sommet sera une réussite s’il permet, en produisant des résultats concrets et mesurables localement, de rendre rapidement la transition durable proche des populations. Cela va se jouer sur deux points : 
 
– d’une part, il devra donner aux collectivités leur véritable place et leur permettre d’investir massivement dans leurs infrastructures durables étant entendu que les infrastructures locales sont à la croisée du développement économique et social, du climat et de la biodiversité. Et par ailleurs, les collectivités sont trop largement ignorées dans ces discussions. Pourtant, elles ont la connaissance la plus fine des besoins et des vulnérabilités, des solutions pratiques qui changent concrètement la vie des populations dont elles sont responsables en premier lieu. C’est localement également que se trouvent les ressources humaines, entrepreneuriales et parfois même financières qui doivent être mobilisées et accompagnées. Par exemple, l’utilisation des énergies renouvelables distribuées pour les produits de subsistance représente un marché de 50 milliards de dollars rien que dans les zones rurales de l’Inde. En Afrique subsaharienne, un investissement de 11 milliards de dollars dans des équipements solaires permettrait de fournir des services de froid, d’irrigation et de traitement des récoltes dans les zones rurales. Il s’agit là de marchés cruciaux permettant aux communautés et aux autorités locales de développer leurs propres voies de transition et de cocréer leur chemin vers la durabilité. 
– d’autre part, le sommet devra prendre la mesure des prodigieux progrès des technologies numériques et les mettre au service des collectivités. L’extrême diversité des situations s’accommode mal de cadres trop rigides. Le nombre d’infrastructures locales durables à déployer – plusieurs millions de projets par an partout dans le monde – n’autorise pas du sur-mesure. Seules des technologies numériques avancées permettent de concilier les deux et connecter efficacement le plus local des services publics au plus global des instruments financiers. Les données pertinentes pour la chaîne de valeur ne pourront être générées que par des outils déployés sur le terrain au service des acteurs.
 
Tout cela conduit à réaliser qu’un nouveau système financier international est inéluctable, mais que sa véritable révolution doit être locale et numérique pour achever de relier une finance internationale réformée et renforcée des investisseurs privés, d’une part, et l’initiative locale, d’autre part, dans des termes satisfaisants pour les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire.  Dr Arunabha Ghosh est directeur général du Conseil de l’énergie, de l’environnement et de l’eau, l’un des principaux groupes de réflexion sur le climat au monde. La présidence française l’a nommé au groupe des économistes du One Planet Lab. 
 
Il est également vice-président du Comité des Nations unies pour la politique de développement et conseiller auprès de la présidence indienne du G20 ;
 
– Sebastian Kind, est président de RELP (anciennement Greenmap), ancien sous-secrétaire aux énergies renouvelables au ministère de l’énergie d’Argentine, ancien président du conseil de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) ; 
– Wilfrid Lauriano do Rego est membre du conseil d’administration d’Ecobank Cote d’Ivoire, président du conseil d’administration de Finafrica Sénégal et au Brésil du conseil d’administrration de Stoa, filiale de la CDC et de l’AFD. Il est ancien président du conseil de surveillance de KPMG France et coordinateur du Conseil présidentiel pour l’Afrique ;
– Jean-Pascal Pham-Ba est cofondateur de Paradigm Partnerships, un cabinet d’avocats spécialisé dans le développement durable et l’innovation. Il est membre du conseil scientifique d’Europanova et ancien secrétaire général et porte-parole de Terrawatt Initiative.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Bouton retour en haut de la page